Les outils de lutte antivectorielle sont essentiels pour combattre et éliminer le paludisme. Parmi les 663 millions de cas de paludisme évités en Afrique subsaharienne entre 2001 et 2015, on estime que près de 80 % d’entre eux étaient liés à l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII) et à la pulvérisation intradomiciliaire d’insecticide à effet rémanent (PID)[1]. Malgré les gains obtenus par des interventions rentables de lutte antivectorielle, plusieurs facteurs menacent les futurs progrès. Parmi ceux-ci, figurent la résistance aux insecticides, la transmission résiduelle, les espèces invasives de vecteur et les difficultés de prévention du paludisme dans des populations et des contextes spécifiques (p. ex., populations mobiles et migrantes, crises climatiques, contextes de conflit). Depuis 2010, 61 pays ont rapporté une résistance à au moins une classe d’insecticide. La détection et la surveillance des niveaux de résistance, ainsi que la connaissance de la valeur ajoutée que peuvent offrir différents outils dans ces contextes, sont essentielles pour les programmes nationaux de lutte contre le paludisme qui examinent les associations d’intervention susceptibles avoir l’impact le plus important dans leur pays. Les interventions dont le déploiement à grande échelle est recommandé par l’OMS comportent également des limites quand il s’agit de réduire la transmission du paludisme à l’extérieur. En effet, les MII et la PID sont plus efficaces à l’intérieur contre les moustiques piqueurs et au repos. La prolifération d’Anopheles stephensi, une espèce de moustique particulièrement adaptable et un vecteur de paludisme qui se développe facilement dans de nombreux habitats, notamment dans les environnements urbains, représente une autre menace émergente. De manière générale, le paludisme est plus fréquent dans les régions rurales d’Afrique. Mais la pauvreté rurale et le changement climatique sont des facteurs puissants qui favorisent de plus en plus la migration urbaine, et la prolifération d’A. stephensi pourrait augmenter la transmission du paludisme à des niveaux sans précédents. Une modélisation récente s’appuyant sur les données d’expansion d’A. stephensi à Djibouti et en Éthiopie suggère que les cas de paludisme à P. falciparum pourraient augmenter de 50 % (IC à 95 % : 14-90) si aucune intervention supplémentaire n’est mise en œuvre[2]. Des nouveaux outils et des stratégies améliorées d’administration pourraient résoudre certaines de ces difficultés. Toutefois, il est nécessaire d’apporter un soutien à l’adoption rapide et à la mise en place de conditions de marché saines permettant une utilisation durable, parallèlement aux piliers de la lutte antivectorielle.
Avec un choix plus vaste d’outils de lutte antivectorielle, dont le coût et l’efficacité sont variables, les preuves guidant les pays dans la définition des priorités jouent un rôle de plus en plus important, en particulier compte tenu des contraintes de ressources et de la nécessité d’atteindre et de maintenir une couverture optimale de l’intervention au milieu de probables compromis. Plusieurs nouveaux produits de lutte antivectorielle en cours d’examen par le groupe consultatif pour la lutte antivectorielle (VCAG) de l’OMS font l’objet d’essais épidémiologiques. Le VCAG s’appuiera sur les résultats des essais pour déterminer si ces nouvelles interventions présentent un intérêt pour la santé publique. Si l’intérêt est confirmé, le processus d’élaboration d’une directive de l’OMS est initié. Toutefois, la recommandation de l’OMS seule ne suffit pas pour assurer l’adoption précoce et le déploiement. En effet, les preuves permettant d’orienter la mise en œuvre pratique des nouvelles interventions sont souvent très limitées. La génération de nouvelles preuves est nécessaire pour définir comment déployer et intégrer au mieux ces nouveaux outils au sein des stratégies existantes de lutte contre le paludisme, afin de maximiser leur impact et leur rentabilité. Les recherches permettant de préciser les cas d’utilisation prioritaire et les stratégies efficaces d’administration, notamment les approches d’intégration ou d’association, contribueront à définir la valeur ajoutée de ces outils dans différents contextes. Les données opérationnelles et de rentabilité éclaireront également les orientations programmatiques de l’OMS relatives à leur utilisation et aideront les programmes nationaux de lutte contre le paludisme à prendre des décisions basées sur des preuves, pour cibler et adapter le déploiement dans des contextes de transmission variés à un niveau infranational.
En outre, il est nécessaire de mener des actions afin de mettre en place un marché sain pour ces nouveaux outils. Le soutien de l’entrée sur le marché des produits nouvellement recommandés est crucial et permettra d’assurer une base d’approvisionnement adéquate et une tarification durable. Des activités telles que la prévision de la demande, les études d’acceptabilité du produit et les études de sensibilité du prix contribueront à éclairer les besoins d’approvisionnement et les décisions à propos des interventions sur le marché et des autres stratégies visant à assurer un accès équitable. Un soutien à l’évaluation des produits suiveurs rapides peut également être nécessaire pour démontrer leur non-infériorité et contribuer à renforcer le marché.
Reconnaissant ces besoins de génération de preuves et de soutien à l’entrée sur le marché, Unitaid lance cet appel à propositions pour élaborer et promouvoir l’adoption d’une boîte à outils de lutte antivectorielle élargie afin de combattre le paludisme. Les principaux objectifs de cet appel à propositions sont les suivants :
- Élaborer les preuves épidémiologiques et opérationnelles nécessaires pour éclairer le déploiement et l’intégration des nouveaux outils de lutte antivectorielle au sein de la boîte à outils élargie de lutte contre le paludisme, avec un accent porté sur la rentabilité, et définir les stratégies de déploiement opérationnel dans des contextes spécifiques.
- Mettre en place des conditions saines de marché pour les nouveaux outils de lutte antivectorielle, notamment la sécurité de l’approvisionnement et la tarification durable, à travers des activités telles que la prévision de la demande, les analyses de coût des marchandises, les évaluations de produit et le soutien réglementaire.
[1] Bhatt S, et al. The effect of malaria control on Plasmodium falciparum in Africa between 2000 and 2015. Nature. (2015); 526:207–11.
[2] Hamlet, A, et al. The potential impact of Anopheles stephensi establishment on the transmission of Plasmodium falciparum in Ethiopia and prospective control measures. BMC medicine 20.1 (2022): 1-10.