J’ai 27 ans, et j’ai commencé à m’impliquer pour la première fois dans la riposte au VIH il y a cinq ou six ans, quand je suis devenu éducateur pour les pairs dans le nord du Ghana. Aujourd’hui, je suis secrétaire exécutif du Réseau ghanéen des personnes vivant avec le VIH et membre suppléant du Conseil d’administration d’Unitaid, où je représente à la fois les jeunes et la région Afrique de l’Ouest.
Mon parcours a été modelé par mon travail communautaire sur le terrain, mais également par mon engagement politique de haut niveau. J’en ai tiré un enseignement très clair : nous, les jeunes, ne devons pas nous contenter d’être les bénéficiaires de services, nous devons prendre une part active et autonome dans la riposte mondiale au VIH.
Un manque de participation des jeunes
La riposte au VIH emprunte depuis trop longtemps une approche descendante. Le plus souvent, les jeunes ne peuvent s’exprimer qu’une fois les grandes décisions prises, si tant est qu’on leur demande leur avis.
Grâce à certaines institutions comme le Fonds mondial et Unitaid, on observe depuis peu une volonté plus forte de faire participer la jeunesse. Unitaid, par exemple, s’assure que des jeunes comme moi ont leur mot à dire, notamment en nous confiant des rôles de gouvernance. Je suis ainsi moi-même vice-président du Comité chargé des Finances et de la Responsabilisation, au nom de la délégation des communautés. C’est une avancée importante.
Cependant, nous sommes encore confrontés à des obstacles de taille. Au Ghana, la participation des jeunes au niveau national reste limitée. S’ils souhaitent s’impliquer, ils ne peuvent pas compter sur un quelconque processus dirigé par le gouvernement : le meilleur moyen reste de prendre part à des initiatives de la société civile. Les jeunes sont souvent exclus des comités techniques, des essais cliniques et de la planification nationale.
Trop souvent, on nous considère comme des bénéficiaires, et non comme des parties prenantes, d’égal à égal. Cela doit changer.
Ce qui nous retient
Deux principaux défis font obstacle à la mobilisation des jeunes. Le premier est un manque de capacités. Beaucoup de jeunes militants auraient besoin d’une formation plus poussée et d’un soutien technique pour intervenir de manière constructive dans les discussions de haut niveau, qui portent souvent sur des questions d’ordre clinique ou politique. On ne peut attendre d’une personne qu’elle apporte une contribution utile sans lui fournir les outils adéquats.
Le second défi est le manque d’espaces inclusifs. Les instances nationales de planification sont souvent aux mains des universitaires et des spécialistes techniques. Les jeunes, surtout quand ils sont issus de communautés marginalisées, ont rarement l’occasion de s’exprimer ou de façonner les politiques.
Dans de nombreux pays, des lois punitives et des politiques discriminatoires représentent des obstacles supplémentaires. Ces lois criminalisent certaines communautés et pour certains jeunes il devient plus risqué, voire dangereux, de participer au plaidoyer public ou à la programmation de la santé.
Des progrès à l’échelle mondiale, mais des lacunes au niveau local
Au niveau mondial, certains évènements font évoluer les choses, comme la Conférence IAS. L’organisation a prévu des pavillons dédiés à la jeunesse et des séances animées par des jeunes. J’ai moi-même eu le privilège, en tant que membre du comité consultatif, d’aider à élaborer la feuille de route d’AIDS 2026, qui se tiendra à Rio.
Mais on ne retrouve pas toujours une telle impulsion sur le terrain. Ironie du sort, la scène mondiale est plus inclusive que la scène nationale, mais son accès est limité et hautement compétitif. En conséquence, bon nombre des jeunes qui auraient le plus besoin d’être entendus restent exclus de la discussion.
Ce qui doit changer
Si je pouvais changer une seule chose, ça serait que les jeunes soient considérés comme des cocréateurs et non comme des personnes que l’on se contente de consulter. Il ne faut plus nous demander notre avis ponctuellement avant de disparaître. Nous voulons faire partie intégrante du cycle complet : planification, conception, mise en œuvre et examen.
Il faut aussi que les programmes s’étendent au-delà des centres urbains. Au Ghana et dans d’autres pays à revenu faible ou intermédiaire, les jeunes des zones rurales vivent souvent loin des structures de santé. Si l’ensemble des services et des programmes restent centralisés dans les grandes villes, ils ne peuvent pas atteindre les personnes qui en ont le plus besoin ni, potentiellement, impliquer celles qui auraient le plus à apporter.
Nous devons décentraliser les services et créer des programmes adaptés qui reflètent les réalités quotidiennes de tous les jeunes : les jeunes qui vivent en zone urbaine ou en zone rurale, les jeunes issus de la communauté LGBTQ+, ou encore les jeunes qui vivent avec le VIH.
Donateurs et institutions, passez à l’acte
Aux institutions qui prétendent valoriser la parole des jeunes, je veux dire une chose : nous voyons vos stratégies, vos agendas, vos cadres. Mais les paroles ne suffisent pas.
Cessez de vous adresser à nous uniquement pour solliciter un retour. Faites appel à nous pour construire, planifier et mettre en œuvre ensemble. Suivez l’exemple de programmes comme l’initiative Youth Leaders du Fonds des Nations Unies pour la population, qui permet aux jeunes d’être des partenaires actifs de la mise en œuvre et de la prise de décision, et non plus une case à cocher parmi les communautés à consulter.
Unitaid a déjà ouvert la voie dans ce domaine en donnant aux jeunes le pouvoir de s’exprimer au sein du Conseil d’administration. Nous devons désormais aller plus loin pour nous assurer que les subventions, les politiques et les partenariats reflètent de manière concrète la diversité et le potentiel d’impulsion des jeunes de toutes les communautés.
Un dernier mot
Nous sommes prêts. Nous pouvons le faire. D’ailleurs, nous faisons déjà avancer les choses. Mais notre impact sera encore plus grand quand nous serons traités sur un pied d’égalité, non pas comme des bénéficiaires passifs de la riposte mondiale au VIH, mais comme des participants à sa réalisation.
Ayant commencé mon parcours au niveau local et œuvrant aujourd’hui à l’échelle mondiale, j’appelle à passer de la consultation à la cocréation. Car nous, les jeunes, ne sommes pas le futur. Nous sommes le présent, et il est temps d’en prendre acte.