Malgré une réduction significative de la mortalité maternelle au cours des 30 dernières années, on n’observe aujourd’hui plus guère d’avancées à l’échelle mondiale. En 2017, près de 300 000 femmes sont mortes des suites d’une grossesse ou d’un accouchement[1]. La plupart de ces décès étaient évitables, et la grande majorité sont survenus dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Compte tenu de la charge de morbidité actuelle et du ralentissement des progrès, la trajectoire que nous suivons ne permettra pas d’atteindre les objectifs de baisse de la mortalité maternelle fixés dans le cadre des objectifs de développement durable. Pour réaliser ces objectifs d’ici 2030 et lutter contre les décès maternels, dont le nombre à l’échelle mondiale demeure inacceptable, il est nécessaire de déployer des efforts coordonnés et intégrés permettant d’élargir l’accès à des solutions de santé innovantes, y compris à de nouveaux produits pouvant sauver des vies.
La cause directe la plus fréquente de morbidité et de décès maternels est l’hémorragie post-partum (c’est-à-dire une perte sanguine excessive survenant après l’accouchement), qui est responsable de 20 % de la mortalité maternelle dans son ensemble[2]. L’adoption accélérée et le déploiement à grande échelle d’outils visant à réduire la morbidité et la mortalité maternelles dues à l’HPP permettraient, à court terme, de soutenir les efforts pour atteindre les objectifs en la matière dans les pays à forte charge de morbidité.
La plupart des cas d’HPP peuvent être évités grâce à des outils appropriés. En ce qui concerne la prévention, l’OMS recommande l’utilisation d’un utérotonique efficace au cours du troisième stade du travail[3]. D’après certaines études, pour 12 femmes qui bénéficient d’une prise en charge active au troisième stade du travail, un cas d’HPP est évité[4]. L’utilisation d’utérotoniques prophylactiques est essentielle pour réduire la mortalité due à l’HPP ; cependant, certains obstacles entravent l’accès à ces médicaments et leur adoption dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire.
Le problème de la qualité des utérotoniques disponibles constitue un obstacle majeur. L’ocytocine, médicament de première intention recommandé pour la prévention et le traitement de l’HPP, doit être stockée dans des conditions respectant la chaîne du froid pour rester efficace. Compte tenu des difficultés rencontrées dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire pour assurer un tel stockage, la qualité de ce produit est souvent médiocre. La qualité de l’ocytocine pâtit également de défauts de fabrication et de mauvaises pratiques de surveillance réglementaire et d’approvisionnement. Lors d’un essai sur le terrain mené par l’OMS sur des médicaments essentiels pour les femmes et les enfants, 64 % des échantillons d’ocytocine se sont avérés non conformes[5]. Lorsque la chaîne du froid ne peut pas être assurée, on utilise souvent du misoprostol, une alternative stable à la chaleur. Toutefois, comme pour l’ocytocine, des problèmes de qualité de ce médicament ont été identifiés[6]. La qualité des produits peut être compromise à plusieurs étapes de la chaîne complexe d’approvisionnement en médicaments, mais la surveillance est difficile en raison du nombre limité d’outils de contrôle rapide qui permettraient d’analyser la qualité d’un produit avant son administration[7].
L’ocytocine présente un autre problème : il est recommandé de ne l’utiliser qu’en présence d’une personne qualifiée pour faciliter l’accouchement, car le médicament doit être administré par injection intraveineuse ou intramusculaire. Le nombre d’accouchements assistés par un personnel qualifié reste faible en Afrique subsaharienne, ce qui limite l’accès à l’ocytocine pour de nombreuses femmes dans cette région[8]. Le misoprostol, disponible sous forme de comprimés, est recommandé par l’OMS pour les accouchements en dehors d’un établissement de santé et sans accoucheur qualifié ; il a récemment été recommandé de distribuer ce médicament lors des soins prénataux en vue d’une auto-administration (avec un suivi et une évaluation ciblés)[9]. Cette recommandation n’a pas encore été mise en œuvre à grande échelle.
Lorsque la prévention n’est pas efficace, l’OMS recommande l’acide tranexamique pour la prise en charge de tous les cas d’HPP dans le cadre du traitement standard de l’HPP. L’acide tranexamique est un médicament qui existe depuis longtemps, mais ce n’est que récemment qu’il a été recommandé pour le traitement de l’HPP[10]. Par conséquent, la sensibilisation et la connaissance de cette indication sont limitées et l’utilisation de ce médicament reste faible. En outre, l’acide tranexamique doit être administré par injection intraveineuse, ce qui limite son potentiel d’utilisation dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire.
De nouveaux médicaments aptes à surmonter les obstacles entravant l’accès aux soins actuels pour les cas d’HPP sont désormais disponibles. Par exemple, la carbétocine thermostable (un médicament utilisé pour la prévention de l’HPP qui ne nécessite pas de stockage dans des conditions respectant la chaîne du froid) est au stade précoce d’enregistrement, et des efforts sont déployés en vue de son introduction dans certains pays pionniers. En outre, de nouvelles formulations d’ocytocine non injectables et stables dans des conditions de chaleur sont en cours de développement. Des travaux sont également en cours pour évaluer des formes non injectables d’acide tranexamique (par exemple administrables par voie orale ou par inhalation). Ces nouvelles formulations de médicaments et ces nouvelles méthodes d’administration pourraient permettre de surmonter les obstacles entravant l’administration et d’élargir l’accès au niveau des communautés.
[1] OMS (2019), Évolution de la mortalité maternelle 2000-2017 : estimations de l’OMS, de l’UNICEF, de l’UNFPA, du groupe de la banque mondiale et de la division de la population des Nations Unies. Genève : OMS.
[2] Say, L., Chou, D., Gemmill, A., Tunçalp, Ö., Moller, A. B., Daniels, J. D., et al., Global Causes of Maternal Death: A WHO Systematic Analysis. Lancet Global Health, 2014, vol. 2, n° 6, p. e323-e333.
[3] OMS (2018), WHO recommendations: uterotonics for the prevention of postpartum haemorrhage. Genève : OMS.
[4] USAID (2007), Prevention of Postpartum Hemorrhage: Implementing Active Management of the Third Stage of Labor (AMTSL) (Rapport – en ligne). Disponible à l’adresse suivante : https://path.azureedge.net/media/documents/MCHN_popphi_amtsl_ref_man_1of3.pdf.
[5] OMS (2016), Survey of the Quality of Medicines Identified by the Commission on Life Saving Commodities for Women and Children (en ligne). Disponible à l’adresse suivante : https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/255550/9789241511117-eng.pdf.
[6] Torloni, M. R., Bonet, M., Betrán, A. P., Ribeiro-do-Valle, C. C., Widmer, M. (2020), Quality of medicines for lifethreatening pregnancy complications in low and middle-income countries: A systematic review. PLOS ONE, vol. 15, n° 7, e0236060.
[7] Lambert, P., McIntosh, M.P., Widmer, M., Evans, L., Rauscher, M., et al. (2020), Oxytocin quality: evidence to support updated global recommendations on oxytocin for postpartum hemorrhage. Journal of Pharmaceutical Policy and Practice, 13, 14.
[8] OMS (2020), Sexual and Reproductive Health – Skilled Birth Attendants (en ligne). Disponible à l’adresse suivante : https://www.who.int/reproductivehealth/topics/mdgs/skilled_birth_attendant/en/.
[9] OMS (2020), WHO recommendation on advance misoprostol distribution to pregnant women for prevention of postpartum haemorrhage. Genève : OMS.
[10] OMS (2017), WHO recommendation on tranexamic acid for the treatment of postpartum haemorrhage. Genève : OMS.