Histoires

De la théorie à la pratique : inclure les communautés au plan de recherche pour une prévention efficace de l’hépatite C

« Ce sont nos expériences et notre ressenti. Nous sommes les seuls à pouvoir évaluer l’efficacité d’une approche et d’un traitement précis pour la prévention et le traitement de l’hépatite C. »

Oleksiy Kvitkovskyi

Défenseur de la communauté des personnes qui consomment des drogues injectables

Oleksiy Kvitkovskyi, défenseur passionné, représente les points de vue, les besoins et les défis auxquels est confrontée la communauté des personnes qui consomment des drogues injectables. Citoyen d’Ukraine, Oleksiy a commencé à consommer des drogues injectables en 1993. En 2008, il a cherché de l’aide pour réduire sa dépendance au moyen d’une thérapie appelée « traitement par agonistes opioïdes ».

Le traitement par agonistes opioïdes est une forme de réduction des dommages destinée aux personnes qui consomment des drogues. Elle implique la prise de médicaments, comme la méthadone ou la buprénorphine, qui évitent les symptômes de sevrage et atténuent l’état de manque. Ce traitement réduit la fréquence et l’urgence d’injection de drogues. En général, il exige une observance continue de traitements oraux, et les patients doivent souvent se rendre quotidiennement dans des cliniques pour aller chercher les médicaments – un vrai défi lorsque ces personnes vivent loin des centres. Oleksiy devait faire des déplacements d’une demi-journée jusqu’au lieu de dispensation.

« Lorsque j’ai commencé le traitement par agonistes opioïdes, j’ai perdu mon emploi, parce que je devais me rendre au centre tous les jours. À ce moment-là, je rêvais d’un produit que je n’aurais à utiliser qu’une fois et dont l’efficacité durerait un mois, ou au moins une semaine, raconte Oleksiy. Pas d’être pieds et poings liés au centre de traitement. À l’époque, en 2008, ça me semblait impossible. »

Depuis, Oleksiy est devenu un porte-parole de premier plan dans sa communauté, défendant l’autoadministration du traitement par agonistes opioïdes. À la tête du Conseil d’administration du centre de documentation de l’organisation All-Ukrainian Association of People with Drug Dependence VOLNA-Donbas et secrétaire de l’Assemblée générale du Réseau eurasien des personnes qui consomment des drogues (ENPUD), il œuvre à l’amélioration des programmes de réduction des dommages en Europe orientale et en Asie centrale.

« Aujourd’hui, plus de 90 % des patients qui suivent un traitement par agonistes opioïdes en Ukraine se voient remettre les médicaments en mains propres aux fins d’autoadministration. C’est devenu une sorte de rituel pour bon nombre d’entre eux : vous vous réveillez le matin, vous attendez de ressentir de légers signes de sevrage, et vous prenez vos pilules magiques, et la journée commence, explique-t-il. J’ai moi-même dû passer par ce rituel pendant 15 ans, mais j’avais besoin d’autre chose. Je voulais sortir de ce va-et-vient, je voulais être indépendant, je voulais me sentir bien tout le temps. »

Grâce à son travail visant à améliorer l’accès aux médicaments pour le traitement par agonistes opioïdes, Oleksiy a été le premier à apprendre qu’en 2023, une entreprise pharmaceutique faisait don de buprénorphine dépôt d’action prolongée à l’Ukraine, et il s’est immédiatement investi dans le processus.

« Je l’ai souhaité tellement fort que mes prières ont été entendues », ajoute-t-il.

Bien que les personnes qui consomment des drogues injectables représentent environ 10 % des 50 millions de personnes infectées par l’hépatite C dans le monde, la consommation de drogues injectables est responsable de 43 % des nouvelles infections.

Les groupes marginalisés, y compris les personnes qui consomment des drogues injectables, sont touchés de manière disproportionnée par les maladies comme l’hépatite C. Bien que ces personnes représentent environ 10 % des 50 millions de personnes infectées par l’hépatite C dans le monde, la consommation de drogues injectables est responsable de 43 % des nouvelles infections. L’engagement d’Unitaid à l’égard de la lutte contre l’hépatite C ne date pas d’hier, et l’organisation intensifie son soutien – en particulier auprès des personnes qui consomment des drogues – en investissant 31 millions de dollars US dans les efforts de réduction des dommages déployés l’an dernier dans 10 pays à revenu faible ou intermédiaire.

Photo : Préparation d’une seringue pour injecter des médicaments. Crédits photo : @NigelBrunsdon, CoAct.

En partenariat avec Frontline AIDS, Médecins du Monde et PATH, le financement d’Unitaid appuiera l’intégration du dépistage et du traitement de l’hépatite C aux services de réduction des dommages, tout en mettant à l’essai l’utilisation de deux produits sous-utilisés pour prévenir l’infection : les seringues à faible espace mort et les nouvelles formulations de buprénorphine à libération lente, qui facilitent l’action prolongée du traitement par agonistes opioïdes au moyen d’une injection. L’investissement produira des preuves qui permettront d’étayer les directives internationales de l’Organisation mondiale de la Santé.

Le Conseil consultatif communautaire du portefeuille de la lutte contre l’hépatite C d’Unitaid, dirigé par le Réseau international des personnes qui consomment des drogues (INPUD), est au cœur de ce travail. Le Conseil consultatif communautaire est composé de communautés des pays visés par les projets, qui se rencontrent pour discuter du plan et de l’élaboration de la recherche, et qui participeront tout au long de la mise en œuvre des projets. L’objectif d’Unitaid et de ses partenaires de mise en œuvre est de s’assurer que les personnes directement touchées par la maladie ne sont pas simplement consultées, mais qu’elles participent aussi à la mise en forme des solutions de santé qui seront conçues à leur intention. Le Conseil consultatif communautaire de ce projet est constitué de deux personnes de chaque pays dans lequel des sites pilotes seront mis en place : l’Afrique du Sud, l’Arménie, l’Égypte, la Géorgie, l’Inde, le Kirghizistan, le Nigéria, la Tanzanie, l’Ukraine et le Viet Nam.

Les infections au virus de l’hépatite C se produisent à 80 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les nouveaux médicaments sont très efficaces, mais la plupart des personnes infectées n’y ont pas accès. À peine 36 % d’entre elles sont diagnostiquées et seulement 20 % sont traitées. On peut guérir de l’hépatite C, mais si elle n’est pas traitée, elle peut entraîner une maladie hépatique grave, le cancer, et la mort.

À l’heure actuelle, l’Ukraine est le seul pays à revenu faible ou intermédiaire où la relativement récente buprénorphine dépôt d’action prolongée est utilisée. Elle est injectée au moyen de la technologie de dépôt, c’est-à-dire l’injection sous-cutanée d’un liquide, formant un gel. Le médicament est ensuite libéré lentement et de manière constante sur une durée d’une semaine ou d’un mois.

La buprénorphine dépôt d’action prolongée a la capacité d’aider les patients à surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés avec les visites quotidiennes dans les centres de distribution, la stigmatisation et la peur de la criminalisation. Au Conseil consultatif communautaire, Oleksiy représente la communauté des personnes qui consomment des drogues en Europe orientale et en Asie centrale. Il aide Unitaid et ses partenaires à comprendre comment améliorer au mieux l’accès à ce médicament d’action prolongée du traitement par agonistes opioïdes.

« Je suis heureux de faire part de nos expériences au Conseil consultatif communautaire du portefeuille de la lutte contre l’hépatite C d’Unitaid, parce que je veux que la buprénorphine d’action prolongée se démocratise à l’échelle mondiale. Après tout, tous les pays ne sont pas dans la même situation que l’Ukraine, où plus de 90 % des patients qui suivent un traitement par agonistes opioïdes sont en mesure de recevoir les préparations du traitement directement, pour l’autoadministration », déclare Oleksiy.

Le projet n’en est encore qu’au début de la phase de recherche, mais les recommandations émises par le Conseil consultatif communautaire jusqu’ici garantissent que les études préliminaires qui seront menées dans les 10 pays sont sensibles à la culture, adaptables, participatives et respectueuses des personnes à qui il s’adresse. À ce jour, Oleksiy et les autres membres du Conseil ont vu que leurs suggestions concrètes sur les protocoles de recherche avaient été adoptées.

« Dans certains pays, les gens ne peuvent pas vivre pleinement leur vie en raison de lois draconiennes imposant même aux patients recevant des soins palliatifs – ou plutôt à leurs proches – de se déplacer tous les jours pour aller chercher leurs médicaments. Et je ne parle pas des gens en bonne santé. Pour ces personnes, la buprénorphine dépôt d’action prolongée n’est pas un simple médicament. C’est une libération et un moyen de renouer avec la société pour des milliers de patients suivant un traitement par agonistes opioïdes. »

Oleksiy Kvitkovskyi

Le parcours et le leadership d’Oleksiy au Conseil consultatif communautaire en Ukraine met en évidence l’importance des expériences vécues dans le combat contre les crises de santé publique comme l’hépatite C. Cela nous rappelle que l’autonomisation des personnes les plus touchées par les problèmes sanitaires afin de montrer la voie n’est pas seulement bénéfique, elle est indispensable pour instaurer un changement significatif durable. La parole des communautés était également un thème central du Sommet mondial sur l’hépatite cette année, organisé à Lisbonne, au Portugal, du 9 au 11 avril. Oleksiy s’est joint à Unitaid et à ses partenaires pour y défendre les personnes qui consomment des drogues dans la région Europe orientale et Asie centrale.

Photo : Oleksiy représentant la communauté des personnes qui consomment des drogues dans la région Europe orientale et Asie centrale lors du Sommet mondial sur l’hépatite, en avril 2024. Crédits photo : Unitaid / Laure Bernou.

« Je suis très heureux de siéger au Conseil consultatif communautaire. C’est une expérience qui a beaucoup compté pour moi. Je n’ai pas eu de mal à travailler, parce que je me suis rendu compte que mes connaissances et mon expérience pouvaient aider de nombreuses personnes à se sentir bien. Je souhaite continuer à m’impliquer au sein du Conseil, car je peux partager mes expériences et profiter des opinions d’autres personnes, ce qui compte également beaucoup à mes yeux. »

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