Par Marisol Touraine Présidente du Conseil d’administration d’Unitaid et Dre Magda Robalo Présidente de l’Institut pour la Santé Mondiale et le Développement, Guinée-Bissau
Cet article d’opinion a été publié à l’origine dans le cadre du rapport d’Unitaid « Réinventer la santé mondiale : promouvoir des solutions centrées sur les personnes. »
Les pays à revenu faible et intermédiaire sont en pleine transformation. Abritant les populations les plus jeunes et à la croissance la plus rapide au monde, ces pays sont en passe de devenir des pôles mondiaux d’innovation, de dynamisme économique et de leadership.
Cette progression est le fruit de décennies de progrès en matière de santé et de développement, rendus possibles grâce au soutien d’Unitaid et de nombreux autres partenaires. Depuis 2000, la mortalité infantile a été réduite de moitié. Près de 80 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde reçoivent un traitement. La mortalité due au paludisme a chuté des deux tiers. Ces avancées témoignent de la résilience et du leadership des pays, soutenus par des investissements mondiaux judicieux de la part des gouvernements, des bailleurs de fonds et des partenaires.
Mais ces acquis durement obtenus sont aujourd’hui menacés. De nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire se trouvent à l’épicentre de crises mondiales interconnectées : le changement climatique déplace des communautés, aggrave l’insécurité alimentaire et exerce une pression croissante sur des systèmes de santé fragiles. Les maladies infectieuses nouvelles ou réémergentes, comme le Mpox et le virus de Marburg, gagnent du terrain. Et l’aide internationale, autrefois pilier des programmes de santé vitaux, a fortement diminué.
Par ailleurs, des défis systémiques de longue date persistent. La pandémie de COVID-19 a mis en lumière de profondes inégalités dans l’accès aux vaccins et à l’oxygène médical, tandis que la faiblesse des chaînes d’approvisionnement a révélé l’urgence, pour la région, de produire localement les tests de diagnostic et les médicaments essentiels.
Le monde se tourne désormais vers les pays à revenu faible et intermédiaire pour impulser la riposte sanitaire mondiale de demain. Le moment est venu de renforcer cette approche et de placer les pays aux commandes. L’Agenda de Lusaka propose une vision audacieuse et unificatrice pour réformer la santé mondiale autour de la prise en main par les pays, de leur leadership et de l’action régionale. Avec le soutien d’Unitaid, les pays africains et leurs partenaires renforcent leurs capacités de production régionale, en se fondant sur les besoins épidémiologiques nationaux, notamment en matière de VIH, de tuberculose et de paludisme. Ces efforts, plus durables à court terme, permettent aussi de mieux répondre aux défis croissants posés par les maladies non transmissibles, tout en posant les bases d’une solide préparation aux pandémies.
En parallèle, nos partenariats permettent aux pays d’accéder à des innovations vitales – et d’en prendre pleinement possession – dans des domaines tels que l’accouchement sécurisé, la prévention du cancer du col de l’utérus ou encore l’oxygène médical, contribuant ainsi à construire des systèmes de santé durables, au-delà du financement des bailleurs.
Pour accompagner cette transformation, des solutions de financement innovantes sont indispensables. Le financement mixte, la mobilisation des ressources nationales et les partenariats stratégiques avec les banques multilatérales de développement et le secteur privé peuvent attirer les capitaux nécessaires à la construction de systèmes résilients, dirigés localement. Cependant, ces efforts resteront insuffisants si les ressources ne sont pas utilisées efficacement et si le système financier mondial ne se réforme pas pour mieux soutenir les objectifs de santé et de développement.
Nos actions aujourd’hui façonneront la riposte sanitaire mondiale de demain. En investissant dès maintenant dans des systèmes durables, nous préservons la santé et la prospérité des générations futures.
