En janvier 2022, une toute nouvelle formulation du principal traitement contre le VIH, le dolutégravir, a été annoncée. Ce mince film de la taille d’un ongle qui se dissout sur la langue est une nouvelle façon de traiter les enfants atteints de VIH. Cette formulation de médicament pourrait faire une différence importante dans la vie des enfants atteints de ce virus, mais le médicament n’avait été étudié que chez les adultes en bonne santé et autorisé provisoirement aux États-Unis.
Un an plus tard, le premier bébé au monde recevait ce traitement en Afrique du Sud. Enfin, début 2025, les résultats de l’essai PETITE-DTG seront présentés, ce qui pourrait améliorer le traitement des nouveau-nés, la seule population n’ayant pas encore accès au dolutégravir, et des enfants de tous âges.
Les nourrissons dont la mère vit avec le VIH ont besoin d’une prévention ou d’un traitement par des médicaments antirétroviraux. Ils sont actuellement traités avec un ensemble plus ancien de formulations liquides plus chères et plus compliquées à administrer, pour lesquelles les soignants doivent utiliser une seringue pour mesurer les volumes spécifiques qui changent souvent au fur et à mesure que le bébé grandit. Les médicaments doivent parfois être réfrigérés, et il arrive qu’ils subissent des pénuries, car les nouveau-nés ne représentent qu’un petit segment du marché.
Le dolutégravir est un traitement révolutionnaire du VIH. Il agit rapidement, provoque moins d’effets secondaires que les autres traitements, est peu cher et existe sous forme de comprimé dispersible adapté aux enfants. Mais il n’est pas actuellement recommandé pour les nouveau-nés.
« Nous voulions évaluer les formulations pédiatriques existantes de dolutégravir chez les nouveau-nés pour combler le manque des dernières données probantes et améliorer les options de traitement pour cette population vulnérable. »
Dr. Adrie Bekker
co-investigatrice principale de l’étude PETITE-DTG
Le Dr Adrie Bekker, de l’Université de Stellenbosch, est co-investigateur principal de l’étude PETITE-DTG aux côtés du Dr Tim Cressey de l’Université de Chiang Mai. Cette étude fait partie du projet BENEFIT Kids financé par Unitaid qui a pour but d’optimiser le traitement des enfants atteints de VIH ou de tuberculose multirésistante.
Les recommandations concernant les médicaments pédiatriques excluent régulièrement les nourrissons de moins de 4 semaines et les recherches supplémentaires nécessaires peuvent traîner des années, voire plusieurs dizaines d’années, après l’approbation initiale du médicament pour les adultes et les enfants. Les nouveau-nés sont donc privés de produits vitaux et le personnel de santé peut être amené à utiliser des médicaments hors indication, sans en connaître l’efficacité ni le profil de sécurité habituellement issus des études réglementaires.
« Nous voulions comprendre comment nous pouvions administrer le dolutégravir aux nouveau-nés pour qu’ils ne soient pas laissés pour compte, explique le docteur Cressey.
Dr. Tim Cressey
co-investigateur principal de l’étude PETITE-DTG
Le film orodispersible contient la même dose de dolutégravir que le comprimé dispersible, mais il utilise une nouvelle méthode de délivrance qui pourrait donner la solution aux soignants confrontés aux difficultés de donner des médicaments à des enfants : les liquides peuvent être recrachés et les parents ne savent alors pas quelle quantité de médicament l’enfant a absorbée.
Les chercheurs ont avancé rapidement en utilisant la collaboration existante dans la recherche et ont modifié le protocole de l’étude pour intégrer les deux formulations, le comprimé dispersible et le film orodispersible.
« Nous espérons maintenant pouvoir fournir des données probantes pour guider la sécurité et la posologie du dolutégravir en film orodispersible, pour lequel nous partageons des résultats similaires. Cette recherche ne profitera pas uniquement aux nouveau-nés, mais aussi aux jeunes enfants, quel que soit leur âge, » explique le docteur Cressey.
Le docteur Lario Viljoen, investigateur principal de l’étude d’acceptabilité du film orodispersible, reconnaît que cette méthode d’administration de médicament peut être inhabituelle pour de nombreux parents : « Nous ne savions pas comment réagiraient les soignants vis-à-vis de cette formulation. Le fait qu’une forme galénique soit efficace importe peu si les mères ne veulent pas l’administrer à leurs enfants. »
Cependant, malgré quelques hésitations initiales de la part de certains soignants, beaucoup se révèlent conquis après une première utilisation. Les nourrissons semblent tout à fait inconscients de prendre un médicament, celui-ci étant aromatisé et dissous en quelques secondes.
« Je n’ai rencontré aucune difficulté pour l’utiliser, » déclare une mère. « J’ai adoré le film, car il est facile à administrer. »
L’étude PETITE est l’une des investigations du projet BENEFIT Kids, qui œuvre à améliorer le traitement des enfants touchés par la tuberculose multirésistante et le VIH depuis 2019.
« Plus il est facile de donner des médicaments à un enfant régulièrement, plus il est probable qu’il finisse son traitement avec succès. Nous ne laisserons pas les enfants de côté dans les ripostes en matière de santé mondiale simplement parce que leurs besoins sont plus complexes. »
Cherise Scott
gestionnaire technique principale d’Unitaid
Le projet BENEFIT Kids est un exemple parmi d’autres de l’engagement d’Unitaid envers les médicaments pédiatriques, et constitue une contribution majeure dans le domaine souvent négligé de la tuberculose infantile. BENEFIT Kids a développé des formulations pédiatriques de médicaments qui jouent un rôle clé dans le traitement de deuxième intention de la tuberculose, a comblé des manques de données probantes permettant de comprendre quelle est la posologie appropriée des enfants atteints de tuberculose et de VIH à différents âges, a établi des méthodes au rapport coût-efficacité avantageux pour le traitement de la tuberculose multirésistante chez l’enfant et a démontré la sécurité et l’efficacité du tout premier régime de prévention de la tuberculose multirésistante chez les enfants, recommandé peu après par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Alors que le 20 novembre, journée mondiale de l’enfance, met l’accent sur les droits des enfants, ces essais prouvent une fois de plus l’engagement constant d’Unitaid envers la santé infantile. Depuis sa création en 2006, Unitaid a donné la priorité aux besoins des enfants, pour veiller non seulement à ce qu’ils puissent avoir accès aux traitements, mais aussi à ce que les soins soient conçus en pensant d’abord à eux.
Les résultats de l’étude PETITE-DTG seront présentés à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) de mars 2025. L’essai a employé les formulations de médicaments fournis par Viatris Ltd (dolutégravir en comprimé dispersible) et Laurus Labs (dolutégravir en film orodispersible).