Les progrès dans la mise à l’échelle et l’optimisation des traitements antirétroviraux sont essentiels pour mettre un terme au VIH/sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030, comme convenu par la communauté internationale. Cependant, malgré l’amélioration considérable de la couverture en traitements antirétroviraux au cours des dernières décennies, le niveau élevé de mortalité chez les adultes et les enfants vivant avec le VIH reste inacceptable. Actuellement, plus de 600 000 décès liés au sida surviennent encore chaque année [1], dont la majorité dans des pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI). Si la tendance actuelle se poursuit, 460 000 personnes décèderont de causes liées au sida en 2025.
Les enfants, qui représentent seulement 5 % des personnes vivant avec le VIH, sont touchés de manière disproportionnée et ils contribuent considérablement à ce nombre de décès. On estime que 110 000 enfants et adolescents décèdent encore chaque année de causes liées au sida [1], ce qui représente 15 % des décès liés au sida.
En raison de la perte sévère de compétence immunitaire, ou AHD, les adultes et les enfants vivant avec le VIH et ne recevant pas de traitement efficace contre le virus sont exposés à un risque d’infections opportunistes. Cette problématique persiste également chez les patients qui débutent leur traitement antirétroviral et chez ceux déjà traités qui reprennent les soins. 30 % des personnes vivant avec le VIH se présentent encore dans les structures de soins avec une immunosuppression sévère [2].
A l’heure où des outils de dépistage et de diagnostic rapides, des traitements du VIH et des thérapies efficaces pour prévenir et traiter les co-infections associées au VIH avancé sont disponibles, les taux actuels de décès liés au sida sont inacceptables. 40 % de ces décès pourrait être évités via une action ciblant les personnes présentant une AHD [3]. Parmi les infections opportunistes liées au VIH, la tuberculose (TB), la méningite à cryptocoques (MC), les infections bactériennes sévères (IBS) et l’histoplasmose disséminée (HD) sont responsables d’une proportion considérable des décès liés au sida. Chez les enfants vivant avec le VIH, les principales causes de morbidité et de mortalité sont la pneumonie, la TB, les infections dans la circulation sanguine, les maladies diarrhéiques et la malnutrition aiguë sévère [4].
Les investissements précédents d’Unitaid [5] ont permis de générer des preuves sur la faisabilité de la mise en œuvre de modules de soins de l’AHD chez les adultes par le biais de modèles d’administration utilisant un réseau en étoile dans des pays sélectionnés d’Afrique subsaharienne. Il a ainsi été possible d’accroître l’adoption et d’améliorer l’accès à certains des outils les plus efficaces du module de soins de l’AHD recommandés par l’OMS (médicaments et tests de diagnostic) en Afrique et ailleurs. Depuis 2019, Unitaid a cherché à renouveler l’intérêt mondial pour l’AHD et à accélérer l’accès aux tests de diagnostic et aux médicaments vitaux, dans le but de réduire la morbidité et la mortalité chez les personnes atteintes d’AHD et d’améliorer la rentabilité au niveau des systèmes de santé afin d’encourager la mise en place de programmes nationaux durables ciblant cette infection. Alignés sur les recommandations de l’OMS [6], les investissements d’Unitaid se sont concentrés sur l’optimisation des modules de soins, notamment des produits émergents essentiels pour prendre en charge les infections liées à l’AHD, dans le domaine du dépistage [test à flux latéral des CD4 pour dépister l’infection avancée et numération des CD4 sur le lieu de soins, dépistage urinaire de la TB par le lipoarabomannane (LAM), test à flux latéral de l’antigène cryptococcique (AgCr), de la prophylaxie (traitement préventif optimisé de la TB) et du traitement (fluconazole, amphotéricine B liposomale et 5-flucytosine)]. Ces initiatives ont accru les connaissances sur ces produits au niveau mondial et national, ce qui a facilité l’adoption du module de soins de l’AHD dans les directives nationales des pays participant au projet (Botswana, Inde, Lesotho, Malawi, Nigéria, Afrique du Sud, Tanzanie, Ouganda et Zimbabwe) et ailleurs, à travers le réseau élargi des partenaires. La mise en œuvre et le déploiement se poursuivent dans les pays qui en ont besoin avec le soutien des gouvernements et de donateurs, notamment le Fonds mondial [7] et le plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR) [8].
Cependant, il reste encore des défis importants et des opportunités en matière d’apport de soins simplifiés et décentralisés aux populations les plus vulnérables. Le diagnostic et le traitement des infections opportunistes peuvent être difficiles, en particulier dans les zones rurales, car les outils pertinents ne sont toujours pas mis à la disposition des personnes les plus touchées par ces maladies.
- En ce qui concerne les IBS (infections bactériennes sévères), les approches et les outils visant à améliorer la prophylaxie et le traitement ne sont pas standardisés [9] et les parcours de diagnostic sont complexes. Les soins des infections fongiques doivent être simplifiés et décentralisés pour pouvoir utiliser plus largement les outils émergents. D’autres développements au niveau du diagnostic, de la prévention et du traitement des infections, notamment la MC, pourraient réduire considérablement le nombre de décès s’ils étaient déployés. Parmi les outils qui pourraient être rapidement mis sur le marché, on peut citer le test semi-quantitatif de l’antigène cryptococcique (AgCr) et le test à flux latéral (LFA) de l’histoplasmose. Ces tests peuvent détecter de manière rapide et exacte les infections opportunistes mortelles aux niveaux inférieurs du système de soins. Ils doivent être utilisés conjointement avec des approches améliorées de traitement et de prévention grâce à des médicaments existants qui sont devenus plus abordables et accessibles.
- La mise en œuvre d’un module de soins optimal pour les enfants vivant avec une AHD est compliquée par les manques de connaissances des professionnels de la santé et par une pratique insuffisante de dépistage, diagnostic, prévention et traitement des infections opportunistes. En outre, les modules de soins comportent plusieurs outils optimaux qui sont insuffisamment utilisés en raison de ces manques de compétences et de l’absence de directives, de procédures opérationnelles normalisées et de systèmes exhaustifs de suivi et d’évaluation. La boîte à outils récente de l’OMS STOP AIDS [4] fournit des conseils dans un module complet de soins destiné aux enfants et pourrait avoir un impact considérable sur l’atteinte de l’objectif visant à mettre fin aux décès liés au VIH/sida d’ici 2030. Cependant, l’accès aux outils optimaux est très limité, et les données en situation réelle relatives aux stratégies optimales de prévention efficace, de diagnostic rapide et de traitement réussi des infections associées au VIH sont réduites dans cette population.
L’adoption accélérée et la préparation au déploiement accru de modules de soins simplifiés pour réduire la morbidité et la mortalité dues à l’AHD dans des contextes décentralisés constituent une opportunité à court terme. Celle-ci pourrait appuyer les efforts visant à se rapprocher des objectifs mondiaux de mortalité liée au VIH chez les enfants, les adolescents et les adultes dans les pays lourdement touchés.
À travers l’utilisation de modèles innovants d’administration de services composés d’outils optimaux adaptés aux populations les plus vulnérables, Unitaid contribuera à l’objectif mondial visant à mettre fin aux décès pédiatriques liés au VIH/sida d’ici 2030, à l’objectif visant à réduire le nombre de personnes décédant de causes liées au VIH à moins de 240 000 d’ici 2030 et, de manière générale, à en finir avec le VIH/sida en tant que menace de santé publique d’ici 2030.