L’intégration du diagnostic
L’accès aux services et outils de dépistage et de diagnostic est essentiel pour garantir de bons résultats en matière de santé pour de nombreuses maladies. Le dépistage, la détection précoce et le diagnostic des maladies aident les personnes à accéder aux services de traitement et de prévention. Cependant, l’accès aux produits de diagnostic reste très faible dans les pays à revenu faible ou intermédiaire : près de la moitié de la population totale n’a toujours aucun accès ou un accès très limité aux produits de diagnostic. Les conséquences sont lourdes : retard ou absence de diagnostic, traitement inapproprié et décès dus à des maladies infectieuses ou non transmissibles qui auraient pu être évités. La situation est aggravée par les changements récents dans le financement mondial de la santé, car de nombreux pays dépendent des programmes verticaux pour le financement des programmes de diagnostic.
L’intégration du diagnostic (par le biais d’outils intégrés ou d’approches de prestation de services intégrés) présente un fort potentiel d’impact sur la santé. Certains pays ont déjà commencé à travailler sur des stratégies intégrées de dépistage. Cependant, les preuves ou expériences documentées sur l’utilisation optimale et l’impact de l’intégration du diagnostic restent limitées, ce qui freine l’adoption élargie de nouveaux outils et le développement de technologies intégrées capables de détecter plusieurs maladies. Au cours des deux dernières décennies, Unitaid et ses partenaires ont considérablement investi dans le lancement de technologies et de services pour soutenir la lutte contre le VIH et la tuberculose, notamment par la mise en place d’infrastructures diagnostiques importantes dans différents pays. De plus, de nouveaux produits de diagnostic intégrés (comme ceux capables de détecter plusieurs maladies), soutenus par Unitaid et d’autres partenaires pendant la pandémie de COVID-19, arrivent maintenant sur le marché. Ces innovations récentes ont un fort potentiel pour réduire le manque de diagnostic dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier directement sur les lieux de soins. Elles offrent la possibilité d’exploiter les infrastructures existantes et de faire progresser l’intégration entre les maladies et les programmes, avec un bénéfice significatif à différents niveaux de soins : patient, communautés, établissement, laboratoire, système de santé et globalement.
La vision offerte par l’intégration du diagnostic s’appuie sur des preuves démontrant que les approches visant à intégrer les produits de diagnostic peuvent à la fois améliorer l’accès aux services et optimiser l’utilisation des ressources limitées. Grâce à l’exploitation de systèmes intégrés, il serait possible de dépasser les approches cloisonnées entre les programmes de maladies et de traiter des maladies et états qui surviennent de plus en plus en parallèle. Les soins sont souvent apportés à la même personne par les mêmes établissements, sous la supervision du même personnel clinique, ce qui offre d’autres occasions de prestation de services intégrés. Pour simplifier, l’intégration consiste à partager des dispositifs et/ou des services entre les programmes pour les personnes touchées par une ou plusieurs maladies ou pathologies, ce qui peut améliorer l’accès au dépistage et leur adoption, tout en renforçant l’efficacité des programmes.
L’intégration du diagnostic doit reposer sur les priorités nationales et être mise en œuvre en collaboration avec les programmes nationaux, les communautés, les partenaires et les autres bailleurs de fonds. Différents aspects de l’intégration peuvent être concernés, par exemple :
- Produits de diagnostic intégrés : technologies qui traitent plusieurs maladies ou pathologies avec un même outil. Il peut s’agir de tests multiplex détectant simultanément plusieurs pathogènes à partir d’un seul échantillon, de plateformes de tests multi-maladies pouvant effectuer différents tests en même temps ou successivement, et de plateformes multimodales capables d’analyser plusieurs marqueurs biologiques (acides nucléiques, protéines, métabolites). Depuis la pandémie de COVID-19, les innovations dans ce domaine se sont accélérées, offrant des solutions portables de haute qualité et abordables, mieux adaptées aux besoins des pays à revenu faible ou intermédiaire. Citons par exemple les nouveaux tests rapides triplex pour la prévention de la transmission mère-enfant, panels pour le diagnostic différentiel des fièvres, tests moléculaires de la tuberculose près du lieu de soins pouvant être étendus à d’autres maladies, analyseurs de biochimie sèche compacts pour la fonction hépatique, plateformes moléculaires à haut débit. Les approches d’autodépistage et d’autoprélèvement peuvent aussi être envisagées en complément si elles sont pertinentes.
- Prestation de services intégrée : approches utilisant un programme ou une interaction clinique pour traiter plusieurs questions de santé. Exemples : consultations de santé infantile pour diagnostiquer le paludisme, soins prénatals pour dépister l’hépatite B, le VIH et la syphilis. Le partage des dispositifs et services entre programmes permet aux personnes concernées par plusieurs états de santé d’accéder au dépistage nécessaire, tout en favorisant l’efficacité des systèmes de santé.
- Systèmes intégrés : pour faire progresser l’intégration des produits de diagnostic, il est essentiel de lutter contre la fragmentation, notamment des ressources, infrastructures et réseaux logistiques. De nombreux éléments du transport d’échantillons et de la chaîne d’approvisionnement peuvent être rationalisés et mutualisés entre les domaines de santé : prévision, sélection des produits, quantification, achats, stockage, transport, distribution. Cette intégration réduit les inefficacités et renforce la résilience du système. Pour les outils sur le lieu de soins et les technologies de laboratoire, il est important de garantir l’interopérabilité des systèmes de gestion des données avec les tableaux de bord, bases de données et systèmes nationaux d’information de laboratoire.
Pour saisir ces opportunités, des actions catalytiques sont nécessaires pour promouvoir l’adoption d’approches d’intégration du diagnostic et de technologies intégrées. La première étape consiste à travailler étroitement avec toutes les parties prenantes nationales pour déterminer comment les produits de diagnostic intégrés peuvent répondre aux besoins, en retraçant les parcours des patients, identifiant les possibilités d’intégration et les cas d’utilisation. Cette étape est fondamentale pour guider la mise en œuvre et l’extension. Il est important d’agir maintenant, car les pays ont accès à une gamme d’outils, nouveaux ou non, dans un contexte de ressources limitées. Une volonté politique et un « leadership » fort sont également nécessaires, soutenus par les gouvernements, les programmes nationaux et l’OMS, en réponse à la résolution WHA76.5 (2023) de l’Assemblée mondiale de la Santé, qui exhorte les États membres à renforcer leurs capacités diagnostiques, élément essentiel des soins de santé primaires et de la couverture sanitaire universelle.
Bien que l’intégration soit désormais possible pour une diversité de maladies et de programmes, il est attendu que les produits de diagnostic moléculaire et multi-maladies proche du lieu de soin pour la tuberculose et d’autres pathogènes soient parmi les plus avancés durant la période couverte par ce financement. Cela n’exclut pas un travail dans d’autres programmes clés d’intérêt. Les activités proposées doivent s’aligner et compléter les investissements d’autres bailleurs de fonds (CIFF, Fonds mondial, etc.) pour renforcer l’extension des produits de diagnostic intégrés.
Objectifs de cet appel à projets
L’objectif de cet appel à propositions est d’accroître l’accès aux produits de diagnostic grâce à l’introduction, la mise en œuvre et la prestation optimales de solutions efficaces, abordables et innovantes, soutenant la détection et le diagnostic intégrés pour plusieurs maladies. Pour y parvenir, il faut :
- Soutenir les pays et les communautés affectées dans la conception et le déploiement de stratégies de diagnostic intégrées dans des environnements ou programmes spécifiques, en optimisant les ressources, en étendant l’accès au dépistage selon les priorités nationales et en adoptant des modèles de mise en œuvre efficaces, adaptables à grande échelle et éprouvés dans différents contextes. Les programmes prioritaires incluent le VIH, la tuberculose, les hépatites, le cancer du col de l’utérus, les IST, la santé des femmes et les menaces mondiales émergentes, en complément des priorités stratégiques d’Unitaid.
- Accélérer le déploiement et l’adoption des outils de diagnostic intégrés, en particulier sur le lieu de soins, pour élargir les capacités de dépistage au niveau le plus bas du système de santé. L’accent est mis sur les outils intégrés de diagnostic moléculaire, ayant démontré leur efficacité pour la tuberculose et présentant un potentiel pour d’autres maladies. Ces outils doivent s’intégrer dans un réseau complet de tests nécessaires au diagnostic final et à la mise en relation avec le traitement.
Par cet appel à projets, Unitaid cherche à accélérer les progrès vers un accès équitable et durable au diagnostic, et à renforcer la résilience des programmes de santé face à leurs besoins et aux futures menaces sanitaires.